samedi 28 septembre 2013

L'Etat, pilleur de tombes


Benjamin Franklin écrivait que "dans ce monde, rien ne peut être considéré comme certain, à l'exception de la mort et des taxes". Des Etats ont été plus loin: ils ont imaginé qu'un citoyen mort était encore plus facile à dépouiller qu'un citoyen en vie. Ils ont donc appliqué au moment du décès de chacun ce que l'administration appelle du doux nom de "droits de succession" et qui n'est en réalité qu'une taxe de mort, une "death tax", pour utiliser une expression américaine certes moins poétique mais beaucoup plus conforme à la réalité: un vol par l'administration, et pour son seul profit.

Rien n'est plus facile, puisque celui qui fixe les règles est aussi le bénéficiaire direct de ces règles. C'est ainsi que la mafia wallonne avait profité d'une "régionalisation" de la taxe de mort pour s'octroyer, dans certains cas, 90% des biens d'un défunt. Sous un fumeux prétexte hérité du complexe de "Robin des Bois" (voler les riches n'est pas vraiment voler), ce taux confiscatoire s'appliquait aux "gros" héritages, c'est-à-dire dès .... 175.000 euros, soit à peine la valeur d'un appartement. Ce taux s'appliquait lorsque l'héritier n'avait pas de lien "direct" avec le défunt, une discrimination de plus dans l'appareil spoliateur de l'association de malfaiteurs qu'est devenue l'Union des Régions Socialistes de Wallonie (l'U.R.S.W.) C'est donc cette organisation criminelle qui fixait les taux, et qui était ainsi seule à "succéder" au défunt.

Dans une optique libérale, cette taxe sur la mort pose une question pratique et trois questions morales.

La question pratique porte sur la capacité - ou plutôt l'incapacité - de toute administration publique (composée par définition de fonctionnaires inamovibles, donc irresponsables) de gérer les biens du défunt plus efficacement que les héritiers désignés par lui. Les biens ainsi dérobés par les fonctionnaires sont immédiatement affectés à l'entretien de l'appareil d'Etat, donc d'eux-mêmes.

Lors de l'une des nombreuses "régionalisations" en Belgique, on a vu le "ministre" du budget wallon de l'époque, l'œnophile Michel Daerden, pérorer à la télévision en se gaussant du pactole qu'il confisquait au profit de ses complices, lors de l'une des successions les plus importantes de l'époque, portant sur la propriété d'une entreprise estimée à cent millions d'euros. Le défunt avait eu la mauvaise idée de ne pas produire d'héritiers "directs"... Daerden se léchait littéralement les babines à l'idée d'empocher, sans aucun effort, 90 millions d'euros qui iraient enfler la gabegie wallonne.

Bien entendu, la société en question a aujourd'hui disparu. L'U.R.S.W. est encore moins capable de gérer une société que d'administrer ... un Etat!

Ce taux de 90% ressemblant plus à une spoliation pure et simple qu'à une taxation, l'héritier, s'estimant grugé, et n'ayant plus grand chose à perdre, entama un marathon judiciaire. Au bout de longues arguties (l'Etat spoliateur étant lui-même juge et partie!), le "Conseil d'État" (aujourd'hui retoqué "Conseil Constitutionnel") déclarait, dans une décision clôturant la dispute en 2005, que le taux de 90% volé par la Région wallonne était effectivement "disproportionné". Par contre, ce même Conseil d'État jugeait que 80% était "proportionné", mais sans prendre la peine de justifier sa décision. Le Conseil n'est d'ailleurs pas à court d'euphémismes, parlant de "confiscation", au lieu de "spoliation", pour ce qui est le taux le plus élevé d'Europe.

Un cambrioleur qui s'emparerait de 80% de vos biens est donc légitimé. Par contre, s'il a l'audace de vous voler 90%, son crime devient "disproportionné". C'est donc la première question morale qui se pose: une administration peut-elle déclarer elle-même "légitime" une "proportion" de son propre vol?

La deuxième question morale porte sur le droit qu'aurait un État de discriminer entre les catégories d'héritiers. C'est ainsi que le vol de 80% lors d'une transmission entre cousins serait "proportionné", tandis que les héritiers "directs" ne pourraient être spoliés "que" de 40%. Notons au passage que, même à ce taux, les ayant-droits seraient contraints de renoncer à un bien immobilier pour payer la "taxe de mort" exigée par l'U.R.S.W. Le but est donc de confisquer progressivement les actifs des citoyens, pour les rendre ensuite dépendants de la "générosité" et de la "sollicitude" des fonctionnaires qui ont phagocyté cette fiction qu'est l' "État".

Enfin, il est permis de se poser la question de savoir de quel droit un État désigne certains héritiers comme "directs" ou "réservataires", interdisant ainsi à quiconque de décider librement de la répartition de ses avoirs après son décès. La plupart des États anglo-saxons ont réussi à réprimer leur désir de supprimer cette liberté fondamentale - la dernière dont dispose un citoyen - et qui est partie intégrante du droit de propriété. Aux Etats-Unis par exemple, chacun reste très logiquement libre de décider de la transmission de ses biens après son décès. Les États victimes de la dictature napoléonienne ne voient par contre dans la mort d'un citoyen que le moyen de s'approprier ce qui n'a pas déjà été taxé de son vivant, à la manière de ces détrousseurs de cadavres qui volaient les bottes des soldats morts sur les champs d'extermination de ce même "empereur" des français.

Une authentique réforme libérale devrait éradiquer ces pratiques sordides, assimilables à celles des pilleurs de tombeaux. Et cette réforme serait fondée sur deux principes, et deux seulement. Le premier serait de rendre à chacun la liberté absolue de disposer de ses biens comme il l'entend. L'État n'aurait qu'un rôle subsidiaire: si le défunt n'a pas exprimé sa volonté, la loi peut définir, par défaut, une "hiérarchie" dans les héritiers. Le second principe serait la suppression pure et simple de la "taxe de mort", quelle que soit la valeur des biens du défunt, et quelle que soit la relation entre le défunt et ses héritiers.

En guise de conclusion, il faut bien admettre qu'un vol déclaré "légal" par le voleur lui-même reste un vol. Le silence de l'Europe sur la prédation des États, dans ce domaine comme dans d'autres, fait de cette Europe la complice des criminels. Il est vrai que la partie "socialiste" de l'Europe rêve du modèle soviétique, où la propriété, et donc la transmission de celle-ci, était interdite, avec les conséquences que l'on a connues. La discussion au sein de l'Europe ne serait d'ailleurs pas entre "prédateurs" et "non-prédateurs", mais entre différents niveaux de prédation.

Si la légitimité de la propriété ne peut être fondée que sur le travail et l'épargne du produit de ce travail, cette légitimité ne s'arrête pas avec le décès du propriétaire. Ce dernier doit rester entièrement libre de transférer à qui bon lui semble le produit de ses efforts. Et, comme toujours, la captation de biens par une bureaucratie n'a jamais eu, nulle part, d'autre résultat que la destruction d'investissements productifs pour les transformer en biens de consommation que s'approprie - et que dilapide - cette même administration. Avec pour résultat l'appauvrissement de tous.

jeudi 12 septembre 2013

Taxer la misère



La ritournelle des États-voyous est familière: ils ont besoin de taxer leurs citoyens à des niveaux extrêmement élevés parce qu'ils leur fournissent des "services publics gratuits" qu'ils se vantent parfois même d'être "de qualité". En réalité, ces États-voyous fournissent surtout des fonctionnaires. Et chacun aura remarqué que l'économie et la société "fonctionnent" d'autant moins bien au fur et à mesure qu'ils empilent des "fonctionnaires". Une évidence que soulignait le Fonds Monétaire International:

“Au plus un gouvernement est efficace dans l’exécution de ses fonctions, au moins élevé sera nécessairement le niveau des dépenses publiques”. [1]

Un niveau élevé de prélèvements est donc un indicateur de l'incompétence et de l'inefficacité d'un gouvernement. Dans ce domaine, il est intéressant de comparer le poids de la fiscalité dans différents États. Une comparaison de la fiscalité des entreprises est peu significative, car, dans ce domaine, les États se livrent une concurrence effrénée, s'imaginant attirer de nouveaux investissements, ou éviter l'exode des entreprises. La fiscalité des revenus des individus est plus révélatrice, car elle touche aux droits fondamentaux des citoyens aux revenus de leur travail, et parce que les citoyens sont moins mobiles, et donc plus corvéables, que les entreprises.

En décrivant le système de la “colleganza”, un cadre légal appliqué dans la république de Venise pour permettre le partenariat entre capital et travail, un historien soulignait que le rôle du gouvernement vénitien se limitait à la définition des droits et obligations des parties, et à l’administration de la justice permettant d’imposer le respect des règles. Le pouvoir se contentait d’une modeste taxation des entreprises et des profits ainsi financés. Cette frugalité d'un État, économiquement puissant, parce qu'il était resté volontairement dans les limites de son rôle, est incontestablement l’une des raisons de la richesse de Venise, tant celle des gouvernants que celle des gouvernés.

“[...] la taxation vénitienne était faible - infinitésimale en comparaison des sommes punitives prélevées par les byzantins sur leurs propres marchands, ou par la plupart des princes de l’Europe féodale. Ainsi les profits étaient élevés, les motivations étaient considérables, et l’investissement en capital augmentait d’année en année.” [2]

Il n'étonnera personne que l'"exception" belge s'inspire plus de Byzance que de Venise, d'ailleurs définitivement supprimée en tant que république indépendante, en mai 1797, par nul autre que Bonaparte, ce grand défenseur d'un État modeste et limité …

La Belgique d'aujourd'hui, championne auto-déclarée des droits de l’homme, confisque une part significative des revenus de ses citoyens les plus modestes, afin de subvenir aux énormes besoins de sa gigantesque bureaucratie, aussi tentaculaire que dysfonctionnelle et nuisible. Le tableau compare ce que les citoyens de ce royaume ubuesque sont autorisés à conserver de leurs revenus annuels avec la part que conservent les plus modestes aux États-Unis. La tranche de revenus prise en compte va de 0 à 4000 €, et le taux de prédation est celui qui s'applique aux revenus de 2012, pour un célibataire sans enfants [3]:



Il est atterrant de constater que ce sont précisément les bureaucraties vociférant leurs prétentions à l’égalité, et qui prétendent justifier leur propre existence parasitaire dans leur prétention à imposer par la contrainte cette prétendue égalité, qui confisquent aussi la plus grande partie des revenus les plus modestes. Au niveau de 1.200 euros de revenus mensuels bruts (c’est-à-dire à peine supérieur au niveau de pauvreté aux Etats-Unis), la bureaucratie américaine confisque 10%, mais la kleptocratie belge vole déjà 20% du revenu brut d’un citoyen. En fait, les Etats-Unis, décriés par les politiciens européens pour leur manque de “solidarité”, sont aussi le pays qui taxe le moins les revenus les plus modestes: il est préférable d’être pauvre aux Etats-Unis qu’en Belgique, cette dernière confisquant une part considérable des revenus les plus modestes.

Bien entendu, le tableau ci-dessus ne peut tenir compte des multiples distorsions, exemptions, exceptions, déductions, et autres complications inventées par les administrations dans le seul but de justifier leur existence. Certaines de ces perversions peuvent être dissimulées avec beaucoup de talent par ces bureaucraties. Si, en Belgique comme dans d’autres pays, un minimum de revenu est exempté d’impôt, avec le raisonnement que les personnes aux revenus les plus modestes doivent être mises à charge de la société, un stratagème permet à la bureaucratie non pas de déduire ce montant de revenu minimum du total des revenus, mais de déduire le montant des impôts dûs sur ce minimum (c’est-à-dire pas grand chose) du total des impôts exigibles. D’un coup de crayon bureaucratique, tous les citoyens sont donc imposés - abusivement et au mépris de l’équité sociale que l’administration agite sous le nez des redevables - à un niveau de revenu artificiellement rehaussé. Si la première "tranche" imposée à 25% est supposée être de 8.350€ annuels, elle n'est en réalité que de 1.550€!, la prédation étant déjà de 30% dès 700€ mensuels, montant inférieur au niveau de pauvreté!

L'extrême injustice de cette perversion dissimulée dans les codes [4] est donc préjudiciable aux revenus les plus modestes. Et la progression est extrêmement rapide: tout ce qui dépasse le montant de 1.000 euros bruts mensuels, pourtant proche de la misère, est confisqué au taux de 40%! La rapacité des bureaucraties est devenue telle qu'elles sont obligées d'aller débusquer leurs victimes parmi les moins favorisés des citoyens, et que même les plus modestes et les plus faibles cherchent légitimement à protéger leurs maigres revenus de leurs prédateurs.


NOTES

[1]     Victor Tanzi “Fundamental Determinants of Inequality and the Role of Government”, Document de travail du Fonds Monétaire International, WP/98/178, Décembre 1998.

[2]     “[...] In these early days Venetian taxation was low - infinitesimal in comparison with the punitive sums levied by the Byzantines on their own merchants, or by most of the princes of feudal Europe. So profits were high, incentives great, and investment capital increased year by year.” John Julius Norwich, “A history of Venice”, Penguin Books, London, 1983 [pages 155-156], traduction personnelle.

[3]     Bien entendu, le nombre d’enfants, leur âge, la situation maritale (ou co-habitationnelle...), et une myriade d’autres conditions sont autant d’excuses pour varier les taux, et fouiner dans les détails de la vie privée des citoyens.

[4]     Contrairement aux Etats-Unis, où le citoyen complète sa déclaration de revenus en y calculant lui-même les impôts dus (même si ce calcul peut être rectifié par l’administration), la France et la Belgique considèrent leurs citoyens comme des débiles mentaux incapables de calculer le montant des revenus qu’ils auront à abandonner à la férocité et à la goinfrerie des fonctionnaires.