lundi 22 juillet 2013

Détroit et la destruction créatrice


 
Selon Joseph Schumpter, la "destruction créatrice" est au coeur même du capitalisme. Mais qu'est-ce que le capitalisme, sinon l'accumulation de moyens de production, qui permettent l'allongement des processus de fabrication? Bien sûr, les collectivistes revendiqueront la propriété du capital pour l'Etat (donc pour des fonctionnaires irresponsables), alors que les libéraux, bien au contraire, restent convaincus que les décisions concernant le capital doivent être soit sanctionnées par la faillite, soit récompensées, et donc que le capital ne peut appartenir qu'à des personnes privées, responsables de leurs décisions, qui en paient les conséquences ou en récoltent légitimement les fruits. Dans le premier cas, un système fondé sur l'irresponsabilité ne peut que s'effondrer avec fracas, comme le Mur de Berlin et toute la misère qui se cachait derrière celui-ci. Dans le second cas, s'ensuit une considérable amélioration de la qualité de vie, et un recul de la pauvreté.

Sans "destruction créatrice" il ne peut exister aucun développement. Si le contraire était vrai, les fabriques de diligences subsisteraient aujourd'hui, et 8 milliards d'êtres humains auraient besoin de 100 milliards de chevaux pour se déplacer, et pour transporter leurs marchandises. Heureusement (notamment pour l'environnement, car les ancêtres des "écologistes" avaient prédit au 19ème siècle que le crottin de cheval recouvrirait Londres jusqu'aux toits!), les diligences ont connu une période de "destruction", qui a ouvert la voie à une période bien plus "créatrice". Cette destruction, suivie de création, a permis à un nombre infiniment plus grand de personnes de se déplacer sur des distances bien plus longues, dans un confort bien plus grand, et à des vitesses bien plus élevées.

Mais nos sociétés modernes sont caractérisées par des forces considérables qui s'opposent à la partie "destruction", sans réaliser que, sans elle, il ne peut y avoir de "création". Ces forces de régression sont l'Etat, d'une part, et les syndicats politisés de l'autre. Le meilleur exemple de ces ennemis de l'amélioration du niveau de vie sont ceux qui, en France, hurlent pour "interdire les licenciements"!

L'Etat est ici compris comme cette fiction qui permet à un groupe de personnes de prélever une partie des richesses sans contrepartie, et sans le consentement explicite des spoliés. Il ne s'agit donc pas seulement de ces parties d'administrations qui se réclament de l'Etat souverain, mais aussi de toutes les sub-divisions (formes de métastases) de cet Etat (régions, départements, communes, etc...) qui dépendent, pour leur propre subsistance, du monopole de la violence que s'est arrogé l'Etat central dit "souverain".

Aujourd'hui, les syndicats ne sont plus ce qu'ils n'auraient jamais du cesser d'être, à savoir une représentation légitime des intérêts des travailleurs d'une entreprise particulière. Ce sont devenus des organisations politiques, souvent financées par l'Etat bien plus que par leurs adhérents, et qui mobilisent des moyens de pression nationaux contre des entreprises isolées. Lorsque ces syndicats prétendent représenter les intérêts de fonctionnaires d'Etat (ou de ses métastases), ils cumulent bien évidemment les deux dangers: monopolisation de la violence "souveraine" contre les citoyens, et utilisation des moyens de ces mêmes citoyens contre ceux-ci. Les cotisations syndicales des fonctionnaires sont bien évidemment payées, comme leurs salaires, par les citoyens, qui fournissent ainsi à ces fonctionnaires les armes avec lesquelles ils les détruisent.

Dans le cas de la ville de Detroit, ces deux formes de prédation (pouvoirs publics et syndicats) se sont alliés pour mener la ville dans une situation financière si désespérée qu'elle n'a pas eu d'autre option que de demander sa mise en faillite. Sur des dettes totales évaluées à 18 milliards de dollars, les engagements futurs à l'égard de ses propres employés (retraites, soins de santé, etc...) représentent ... plus de 10 milliards! Or les recettes de la ville se sont effondrées: elles sont passées de 1,9 milliards par an en 2002 à 1,5 milliards en 2012. En d'autres mots, les employés municipaux ont refusé d'ajuster leurs revenus à la faculté de la ville d'extorquer ces ressources des autres citoyens. Il n'étonnera personne que plus de citoyens encore aient fui cette prédation, accélérant la chute.

A ceux qui s'imaginent que des villes ne peuvent mourir, parce que leurs fonctionnaires pourront toujours voler la propriété des résidents (après avoir volé leurs revenus), il n'est pas inutile de rappeler le cas de l'ancienne Rome impériale. Sa population dépassait un million au faîte de sa puissance. Cinq siècles après la chute, la "ville" ne comptait plus que dix mille pauvres hères tentant de survivre dans des ruines. Sans eau (les barbares avaient volé le plomb des aqueducs, comme aujourd'hui le cuivre des chemins de fer), sans nourriture (les barbares avaient envahi le Maghreb, grenier à blé de Rome), sans sécurité (l'armée elle-même était composée de barbares) les conditions de vie étaient redevenues préhistoriques. Et ce qui restait de l'Etat ne pouvait s'emparer de propriétés qui n'existaient plus...

Au sommet de sa gloire, Détroit comptait 1,8 millions d'habitants. Elle n'en a plus que 700.000 aujourd'hui. Son déclin est plus rapide que celui de Rome... Il est moins onéreux de détruire une maison que d'en payer la taxe foncière!

Le sens commun exige que les villes qui voient leurs populations s'enfuir pour échapper à la prédation de l'administration et au déclin, ne peuvent plus ajuster leurs budgets en augmentant encore leurs taxes (ils n'ont plus de victimes à rançonner...), mais n'ont d'autre solution que de réduire leurs dépenses, et leurs dettes. Et la seule technique est d'officialiser, par la faillite, leur incapacité de payer les salaires, retraites, soins de santé, et la multitude de privilèges consentis à leurs propres fonctionnaires.

Face aux invasions barbares qui diminuaient ses ressources, la Rome impériale avait interdit à chacun de quitter son emploi, et avait même imposé aux fils de reprendre le métier de leur père. On sait ce qu'il est advenu de cet Empire-là! Aux Etats-Unis, Détroit et 30 autres villes tentent de se dégager de leurs obligations vis-à-vis de leurs employés en demandant à une juridiction spécialisée de prononcer leur faillite: en fait, d'acter l'évidence.

En France (et en Belgique) une ville ne peut tomber en faillite. Elle est placée "sous tutelle". Mais quand est-il lorsque toutes les villes ont des dettes qu'elles ne peuvent rembourser? Faudra-t-il attendre un nombre suffisant de faillites municipales pour que l'État lui-même se déclare incapable de faire face à ses obligations?

Un système plus pervers encore pourrait être appliqué aux Etats-Unis: Une armée d'avocats attaquent la ville en prétendant que sa demande de mise en faillite est "inconstitutionnelle". (Selon eux, les fonctionnaires ne "peuvent accepter moins que ce que la ville leur a promis"...) Gageons que, au moment où la décision sera prise, le total des honoraires des avocats seront supérieurs aux dernières possessions de la ville.

En effet, aux Etats-Unis, le système légal ayant été kidnappé par la caste des avocats, la liquidation des biens "collectifs" de Detroit (s'il en reste...) ne reviendra jamais à ceux qui les ont payés (les citoyens) ou à ceux qui les réclament (les fonctionnaires), mais à la clique des avocats des faillites.

En définitive, la faillite de Détroit (et toutes les faillites des villes et Etats qui suivront) se résume à une question: jusqu'où des fonctionnaires pourront utiliser le monopole de la violence pour extorquer des avantages qu'ils se sont eux-mêmes accordés, et qu'ils ont refusés à leurs victimes, c'est-à-dire à leurs citoyens?

Après avoir fait fuir ses citoyens, la ville de Détroit doit encore se débarrasser de sa dette, de ses fonctionnaires, et ... des avocats qui font obstacle à sa destruction créatrice!