vendredi 7 juin 2013

Un Nobel de pacotille



Pour le "vulgum pecus" que nous sommes devenus, les Prix Nobel devraient distinguer des carrières particulièrement utiles à l'ensemble de l'humanité, des sommets intellectuels, des avancées majeures dans les sciences. C'était indiscutablement le cas pour des gens comme Camus, Einstein, ou Hayek et des centaines d'autres "lumières".

Mais, comme toute chose, les prix Nobel se déprécient avec le temps. Qui voudrait encore aujourd'hui du titre de "César", pourtant très recherché dans l'Antiquité romaine? Comme pour les "Césars", de moins en moins respectables, les Nobel se déprécient par le niveau de ceux qui se voient décerner cette médaille. Obama fut lui-même étonné de se voir attribuer un Prix alors qu'il n'avait encore rien accompli. Le Prix attribué à l'Union Européenne a été suffisamment ridiculisé, ne serait-ce que parce que trois bureaucraties ne parvinrent même pas à s'entendre sur le nom de celui qui irait chercher la récompense. Ce hochet était d'ailleurs d'autant moins mérité que l'Union a lamentablement échoué dans ce que les Traités définissaient comme son but essentiel (et le seul!): "l'amélioration constante des conditions de vie et d'emploi de leurs peuples". Face à leurs échecs, les bureaucraties s'étaient donc inventé, a posteriori, un but (le maintien de la paix) qui n'existait pas dans le Traité original, celui signé à Rome en 1957.

Comme toute administration qui échoue dans ses missions d'origine, l'Europe s'est donc inventée des buts artificiels. La bureaucratie européenne ne méritait certainement pas le Prix de la Paix, puisque la paix n'avait jamais été sa raison d'être. Lui attribuer le Nobel d'économie serait encore plus indécent. Mais elle serait en bonne compagnie, avec des lauréats qui ont fait plus pour discréditer ce Nobel-là que s'il avait été attribué à Bernard Madoff. Et ici, l'attribution la plus regrettable (et sans doute la plus regrettée) n'est pas celle de Merton et Scholes (qui avaient "inventé" des formules mathématiques qu'ils ont ensuite appliquées dans un fonds de placement qui a fait une faillite spectaculaire, entraînant la ruine de ceux qui leur avaient fait confiance) ou celle de Joseph Stiglitz, qui semble aujourd'hui avoir des recettes pour tout, et surtout pour nous faire avaler des recettes keynésiennes qui ont été la cause principale, si ce n'est la seule raison, de la destruction des économies, du marasme et de la dépression, du chômage et de la destruction du capital, base de notre civilisation.

Pour les Prix mérités, la distinction est une incitation au dépassement d'eux-mêmes. Pour les Prix de pacotille, le Nobel est une publicité qui fait vendre. Stiglitz a vendu des livres qui sont devenus des bestsellers, alors qu'ils n'auraient pas trouvé preneur sans cette notoriété. Mais il est un lauréat qui dépasse Stiglitz dans ce domaine. Paul Krugman, qui défend des thèses keynésiennes, pourtant discréditées par la répétition des crises, qui ont démontré l'inanité de politiques étatistes basées sur l'illusion que la monnaie crée la richesse, et que donc, en émettant plus de monnaie, on crée plus de bien-être.

Krugman a des clients, et les médias se bousculent pour lui ouvrir leurs colonnes, sachant que le peuple préfère la facilité à l'effort, la simplification d'une formule à la responsabilité personnelle. Les médias français adorent Krugman, et l'une des dernières "livraisons" du Nobel s'est étalée dans le "Courrier International", sous le titre accrocheur de "L'austérité tue", imitant le slogan imposé aux cigarettiers: "Fumer tue". Faut-il rappeler qu'il n'y a pas si longtemps, l'Etat lui-même était cigarettier et même monopoleur (la SEITA française a tué des millions de fumeurs)? Le slogan aurait donc du être, logiquement: "L'Etat tue". Et c'est ce que cet article tentera de démontrer...

Krugman monte d'abord en épingle une erreur statistique dans une étude ("Growth in a Time of Debt" - "La Croissance dans une ère d'endettement"), publiée en janvier 2010 par deux universitaires américains. Il oublie évidemment de mentionner également que ces auteurs ont corrigé ces erreurs, citant nommément Krugman, dès le mois d'août 2010, et que les corrections ne changeaient pas fondamentalement les tendances et les conclusions. La mauvaise foi pourrait-elle être Nobélisée?

L'étude en question démontrait que les économies entraient dans une spirale de dépression dès que la dette de l'État dépassait 90% du PIB. Bien entendu, Krugman peut ergoter sur ce chiffre, et prétendre qu'il devrait plutôt être de 89,9% ou de 90,1%. Bien entendu, une multitude de facteurs peuvent affecter chaque pays de manière différente: une forte croissance dans les pays partenaires commerciaux peut contribuer à une amélioration de la situation économique et à une réduction du ration dette/PIB.

Après s'être étendu sur cette erreur statistique (et avoir ignoré les corrections des auteurs qui ne changeaient rien aux conclusions), Krugman lance sa première contre-vérité: "au commencement était la bulle". Nul keynésien n'admettra jamais que la bulle est précisément, et uniquement, le résultat de politique ... keynésiennes! Si, comme l'écrit Krugman, le "marché immobilier était en surchauffe", la seule raison n'était-elle pas que les Etats (Etats-Unis, Irlande, Espagne en particulier) avaient encouragé une spéculation dans ce secteur, en laissant les risques des banques exploser démesurément, et en refinançant l'endettement par une politique complaisante visant à laisser la masse monétaire augmenter beaucoup plus rapidement que l'économie réelle. Certains Etats ont même eu des comportements criminels, puisqu'ils ont encouragé ces prises de risque. Ils bénéficiaient d'ailleurs de ces "bulles" qu'ils créaient, sous forme de taxes diverses sur les constructions, d'impôts sur les bénéfices des sociétés, et de taxes sur les salaires.

Il est donc faux de prétendre qu' "au commencement était la bulle". En réalité, au commencement, étaient des politiques keynésiennes d'expansion monétaire sans relation avec l'économie réelle. Et, comme l'a dénoncé Hayek à plusieurs reprises, cette politique "krugmanienne" a entraîné des excédents d'investissements (un détournement de l'épargne) dans des secteurs économiques qui ne peuvent enfler que lorsque le taux d'intérêt est maintenu artificiellement en-dessous du taux d'équilibre. Des investissements à long terme (typiquement dans l'immobilier) sont donc réalisés, alors qu'ils ne le seraient pas sans expansion monétaire artificielle, ou sans taux d'intérêt maintenu artificiellement bas.

Aux Etats-Unis, où la crise a trouvé son origine, les autorités de supervision bancaire ont lamentablement failli à leur mission. Et elles ne peuvent utiliser comme excuse la politique qui leur était imposée par l'Etat de diriger une part des crédits hypothécaires vers les couches "défavorisées" de la populations, c'est-à-dire, en pratique, vers ceux qui avaient déjà fait défaut sur des crédits précédents, ou qui n'avaient aucun moyen de rembourser leurs crédits. Les banques inventèrent des artifices pour attirer ces couches "défavorisées": souvent, des taux artificiellement bas étaient proposés pendant une première période (généralement deux ans), puis, dès la troisième année, des taux plus proches du marché faisaient monter les mensualités à des niveaux que les emprunteurs ne pouvaient plus payer. Il ne faut pas s'étonner que des spéculateurs bâtirent des fortunes en misant sur l'incapacité des emprunteurs de rembourser à partir de la troisième année... Mais où étaient les superviseurs?

Les gauchistes dénonceront les spéculateurs. Jamais ils n'admettront que ceux qui ont misé contre un système aberrant instauré par l'Etat n'ont fait que dénoncer eux-mêmes une absurdité. A terme, l'explosion de la bulle a révélé l'injustice et même le caractère criminel de l'Etat. Pour contraindre les banques à financer les emprunteurs jugés "défavorisés", l'Etat américain avait été jusqu'à refinancer, et même assurer, les crédits "obligés". Lorsque la bulle a éclaté, les citoyens non-emprunteurs se sont vu sanctionner, et ponctionner, pour payer les conséquences de la folie de l'Etat. Comme toujours dans un Etat gauchiste, le résultat a été l'abaissement de tous dans la médiocrité, l'appauvrissement général, et non pas l'amélioration des conditions des couches décrétées "défavorisées" par des bureaucrates.

Il faut donc créer de toutes pièces un rôle pour l'État. Aucune bureaucratie n'a jamais créé quoi que ce soit: elle se contente de prélever aux uns pour acheter les voix des autres. C'est sans doute la raison pour laquelle, dans le calcul du PIB, les "revenus" de l'Etat sont appelés "transferts". Les impôts réduisant le pouvoir d'achat de Pierre servent à alimenter la consommation de Paul, et, surtout, les dépenses de fonctionnement de l' "appareil d'Etat", c'est-à-dire le train de vie des fonctionnaires, de leur engagement à leur mort.

Au coeur du raisonnement de Krugman se trouve la rengaine keynésienne: "Pourquoi l'austérité est [..] un problème? A cause de l'interdépendance: vos dépenses sont mon revenu, mes dépenses sont vos revenus". Mais, Mr Krugman, c'est précisément pour cette raison que la bulle de l'immobilier (ou celle de l'internet qui l'a précédé, et celle qui la suivra) qui a eu son origine dans de l'argent facile, émis par l'État, a créé des revenus artificiels. Puisque mon revenu (en admettant que je sois le bénéficiaire de cet argent artificiel) est augmenté sans aucune contrepartie supplémentaire de ma part, en cas d'émission de monnaie au-delà des besoins concrets de l'économie, ces moyens excédentaires dont je dispose deviennent eux aussi artificiels. Mes dépenses (artificielles) deviennent vos revenus (tout aussi artificiels).

Si j'acquiers une maison sans aucun financement, je ne fais que changer une forme d'actif (un compte d'épargne, un autre bien immobilier, des actions, etc...) en une autre forme. Il n'y a aucune inflation, aucune émission artificielle de monnaie, aucune crise à l'horizon. Si par contre, je finance la totalité de mon achat avec un financement bancaire (et on a vu des prêts hypothécaires consentis pour 120% de la valeur du bien!), de deux choses l'une: soit le système bancaire dans son ensemble transforme l'épargne de l'un en un prêt pour l'autre, soit la banque qui finance l'achat ne dispose pas des ressources, et obtient un refinancement de la part de la banque centrale (ou d'un faux-nez de l'État dans le cas des "sub-primes" américains). Voilà la recette des catastrophes. L'émission monétaire est dissociée de l'expansion de l'économie réelle.

Bien sûr, il est un bénéficiaire sournois et dissimulé (jusqu'à l'implosion) de cette "expansion" totalement artificielle: l'État lui-même, sous diverses formes. D'abord, dans le cas des crédits hypothécaires excessifs, sous formes de taxes diverses sur les achats (2% aux Pays-Bas, 6% en France et jusqu'à ... 14% en Belgique). Ensuite sous forme de transformation d'un investissement réel à long terme (le logement) en bénéfices à court terme pour toute une armée d'intermédiaires: notaires, maçons, plombiers, agences immobilières, promoteurs, etc...: un large éventail de profiteurs qui ne mèneraient pas le même train de vie si le système financier se contentait de transformer une épargne existante au lieu d'émettre de la monnaie artificielle.

Et la bulle explose, comme le font toujours toutes les bulles. Et lorsqu'elles explosent, deux courants d'idées s'opposent, en matière économique. Les vrais économistes, de l'école autrichienne, insistent pour que les scories de la folie expansionniste par l'émission de monnaie excédentaire soient éliminés. Le surplus de logements (dans le cas de la bulle immobilière) doit être cédé au prix qu'il aurait atteint si la bulle n'avait pas existé. En France par exemple, les prix des logements sont surévalués de 40% si on les compare à l'évolution générale des revenus, des loyers, et des prix des autres biens.

L'autre école, celle des intégristes keynésiens, ne voit aucun problème dans les bulles: il faut même continuer à souffler dedans, pour qu'elles enflent plus encore. L'un de ces moyens artificiels permettant de préserver et même gonfler les bulles existantes, est, selon Krugman, le système de "stabilisateurs économiques" (impôts et protection sociale). Dans la réalité, persister dans l'erreur d'une bulle en l'entretenant, ce n'est pas un "stabilisateur économique", mais une bombe à retardement. L'ajustement devra se faire, coûte que coûte, et le plus tôt sera le moins pénible. Retarder l'éclatement, c'est aggraver ses conséquences, et risquer non plus un simple dégonflement plus ou moins ordonné, mais une véritable explosion.

Mais Krugman ne voit, ne comprend, et ne vend, qu'une seule idée: il faut "inonder l'économie de liquidités". Si vous vous noyez parce que vous n'avez plus pied, Krugman ouvre grandes les vannes pour faire monter l'eau... Et c'est ainsi que Krugman en arrive même à faire l'éloge de la politique dévastatrice de la Réserve Fédérale, qui a "non seulement raboté les taux d'intérêt, mais est intervenue sur les marchés pour acheter tout ce qu'elle pouvait, depuis les billets de trésorerie jusqu'aux titres de créances d'État à long terme". En une seule phrase, Krugman résume la destruction criminelle de l'économie par des mesures absolument démentes, prises dans le seul but de préserver l'État et de détruire le secteur privé. Prenons-les dans l'ordre des recettes peu ragoûtantes préconisées par Krugman.

D'abord, détruire l'épargne, annihiler la différence entre un investissement rentable et une dépense destructrice de richesses. Il faut "raboter les taux d'intérêt". Que vous dépensiez aujourd'hui ou demain, que vous épargniez ou que vous dépensiez, que vous investissiez ou que vous détruisiez vos avoirs, pour Krugman et sa clique, il ne peut y avoir aucune différence. Si vous persistez à vous protéger de l'incertitude de l'avenir, il faut détruire vos protections: l'État est là, bienveillant, totalitaire, omniscient.

Ensuite, la Fed "achète" les créances. Soit Krugman ignore cette différence, pourtant élémentaire, entre un réescompte (où la banque qui gage ses actifs reste responsable du risque) et l' "achat" d'une créance par la Fed, où la banque se débarrasse également du risque crédit. La seconde formule est la voie grande ouverte à l'étatisation pure et simple du système financier, où toutes les décisions de crédit seront prises par des fonctionnaires, sur base de critères politiques, et sans aucune considération pour les mérites économiques d'un investissement.

Enfin, Krugmam se réjouit de voir la Fed "acheter" des créances d'État. Or ces créances financent des déficits courants (salaires et retraites des fonctionnaires, etc...). Il s'agit donc bien de permettre aux bureaucraties de survivre un temps encore, tout en détruisant tous les secteurs économiques qui produisent de la richesse. Mais, à terme, de quoi vivrait donc l'Etat? Bien sûr, comme le disait avec une désinvolture méprisante Keynes, le gourou de Krugman, "dans le long terme, nous serons tous morts". Effectivement: Keynes, Krugman et les adeptes de la secte keynésienne nous auront tous massacrés.

Krugman se délecte ensuite à attaquer les plans de rigueur imposés aux pays de la zone euro qui avaient profité de l'union monétaire pour faire exploser leurs dépenses publiques. Certains avaient même tout simplement trafiqué leurs comptes publics pour pénétrer, somme toute par effraction, dans un club qui ne devait, au départ, avoir que peu de membres. Mais la décision fut laissée aux politiques, et chacun connaît les conséquences de cet abandon, et en paie aujourd'hui lourdement le prix. Krugman ne s'attarde pas, bien évidemment, sur l'origine et les raisons de ce qui n'est, ni plus ni moins, qu'une escroquerie des États.

Aujourd'hui, la solution ne sera jamais keynésienne: la fuite en avant ne fera qu'aggraver la situation, détruire ce qui subsiste d'économiquement rentable dans le secteur privé, et enfler encore des États déjà monstrueusement obèses. Au début du XXème siècle, la part des dépenses publiques dans les PIB représentait à peine 10%. Et pourtant, l'Europe avait connu une croissance continue, et les investissements publics n'avaient jamais été aussi importants, ni aussi générateurs de progrès et de bien-être. En un siècle, deux guerres mondiales et des années de keynésianisme ont fait exploser la part de l'État dans le PIB: elle dépasse aujourd'hui en Europe 60% dans la plupart des pays. Et Krugman ne propose rien d'autre que de détruire les 40% de liberté qui nous reste, pour faire de l'Europe un gigantesque goulag. Keynes n'écrivait-il pas lui-même dans la préface de la version allemande de sa "Théorie Générale", publiée sous Hitler, que sa "théorie" état plus facilement applicable dans un État totalitaire. Voilà peut-être la seule vérité dans toute les divagations du maître à penser de Monsieur Krugman, Nobel de pacotille.

Pour Krugman, l' "austérité tue". Mais c'est l'austérité appliquée aux citoyens qui nous tuera. Par contre, l'austérité - enfin - appliquée aux seuls États nous sauvera.